Le "Wagner de la Canebière"
L’Opéra de Marseille célèbre cet automne le centenaire du compositeur en montant son Salammbô.
L’occasion d’entendre la musique de cet “oublié célèbre” mort dans sa maison du Lavandou en 1909
Son buste se dresse devant l’hôtel de ville du Lavandou sur la place principale qui porte son nom depuis 1903. Mais qui se souvient aujourd’hui
du compositeur Ernest Reyer, pourtant l’une des figures marquantes de l’histoire musicale du XIXe siècle français et grand personnage du Lavandou dont il fit en son temps la popularité ?
En 1996, les Lavandourains sensibles à l’histoire de leur cité et à leur patrimoine avaient assisté, attristés, à la démolition de la dernière demeure du maître longtemps laissée à l’abandon. Léguée par les héritiers à l’évêché de Paris, la maison venait d’être rachetée par un promoteur pour laisser place à une luxueuse résidence. Finis donc les rêves de Maison de la culture et autres lieux d’expression que l’on aurait pu légitimement souhaiter en hommage au musicien. Sombre souvenir et occasion ratée.
Compositeur et critique
Heureusement, l’Opéra de Marseille célèbre cet automne le centenaire de Reyer et monte son oeuvre ultime Salammbô créée pour la première fois à Bruxelles au Théâtre de la Monnaie en 1890 et dont la dernière représentation dans la cité phocéenne remonte à 1940. Belle opportunité de redécouvrir cet “oublié célèbre” comme le qualifie l’historien Pierre Echinard et d’entendre sa musique.
Dans son livre-dictionnaire Histoire de la Musique, édité en 1924, Paul Landormy écrit : "Louis-Étienne-Ernest Rey, dit Reyer, a contribué pour sa
part au relèvement du goût musical en France dans le dernier tiers du XIXe siècle. Né à Marseille le 1er décembre 1823, ce n’est qu’en 1848, à vingt-cinq ans, qu’il se voua à la musique et vint à Paris pour y travailler
sous la direction de sa tante, Mme Farrenc. Ses études d’harmonie et de composition restèrent toujours incomplètes et l’on s’en aperçoit à bien des
gaucheries dans la facture de ses oeuvres. Il donna en 1854 Maître Wolfram, en 1858 Sacountala, en 1861 La Statue, en 1862 Érostrate, et se mit ensuite à la composition de son Sigurd, qui ne fut joué qu’en 1884 à Bruxelles. Sa dernière oeuvre fut Salammbô (Bruxelles, 1890 ; Paris, 1892).
Il mourut en 1909. Reyer a dû attendre la réputation à laquelle il avait droit jusqu’aux représentations de Sigurd. Jusque-là il passait pour un
novateur sans talent et sans inspiration. Cependant il faisait d’utile besogne au Journal des Débats où il mettait généreusement sa critique ardente au service de l’art désintéressé.
Reyer est un musicien sincère, personnel surtout dans le charme et la tendresse ; il a une sensibilité délicate et vive, une imagination très
poétique. Bien Français, comme Gounod, il a subi davantage
l’influence des Allemands et à ce point de vue il a joué un rôle historique très important, en préparant le public français à l’audition des drames de
Wagner. Il a reconnu lui-même, avec une simplicité touchante, que ce serait là peut-être son principal mérite aux yeux de la postérité."
Accueil triomphal à Bruxelles
Compositeur à la mode, ami de Berlioz, critique musical respecté et craint (Revue française, Moniteur universel, Gazette musicale ou Courrier
de Paris), Reyer fut largement reconnu en son temps. Napoléon III le décora de la Légion d’honneur (grand-croix) et il occupa, à l’Institut, le
fauteuil de Félicien David.
Ses deux oeuvres majeures, Sigurd et Salammbô, reçurent un accueil triomphal à Bruxelles en 1884 et 1890, avant d’entrer à l’Opéra de Paris en 1885 et 1892. Salammbô fut créé avec son actrice vedette Rose
Caron qui avait déjà joué le rôle de Brunehild dans son Sigurd. Il l’imposa à l’Opéra de Paris qui lui confia par la suite de nombreux rôles. Après Sigurd et avec Salammbô, Ernest Reyer connut le même succès lors de
sa création à Paris puis à Marseille le 11 avril 1893.
Ernest Reyer devint, à l’aube du XXe siècle, avec Edmond Rostand,
le plus célèbre des Marseillais. Lorsque le “Wagner de la Canebière” décéda le 15 janvier 1909 dans sa propriété du Lavandou, ses obsèques à
Marseille et son inhumation au cimetière Saint-Pierre comptèrent parmi les grands moments d’émotion populaire de la ville.
Théophile Gautier parlait, à son sujet, de “l’amour de son art poussé jusqu’à la passion et au fanatisme, un enthousiasme pour le beau que rien ne décourageait, et la résolution immuable de ne jamais faire de concession au mauvais goût du public.” S’il eut pour Wagner une grande admiration jusqu’à germaniser son nom, Reyer a voué à Berlioz, son aîné,
vénération et amitié pendant plus de vingt ans. Il l’accompagna dans ses derniers instants et hérita de son habit et de son épée d’académicien. Ces deux hommes empreints de classicisme et de romantisme furent unis par
le même esprit d’indépendance et la même sensibilité.
Saluons la ville de Marseille et son opéra de se souvenir de Reyer, l’enfant du pays, et de le faire revivre par sa musique.
- Salammbô d’Ernest Reyer par l’Orchestre et choeur de l’Opéra de Marseille - Opéra en 5 actes
Livret de Camille du Locle d’après le roman de Gustave Flaubert.
- Les samedi 27 et mardi 30 septembre 2008 à 20 h.
- Les jeudi 2 à 20 h et dimanche 5 octobre à 14 h 30
Direction musicale : Lawrence Foster, Mise en scène : Yves Coudray
Rens. 04 91 55 11 10
http://operamarseille.fr