Morteyrol à la Villa Tamaris

Abondance. C’est bien le sentiment qui s’impose quand on observe le travail de Bernard Morteyrol. Et la générosité de l’artiste s’accompagne d’une vraie réflexion sur les sociétés humaines.

Pour Morteyrol, la dictature des images implique que l’on s’efforce à déchiffrer le réel à travers leur nécessaire et ambitieuse analyse critique. L’artiste nous dit en substance : ne tombons pas dans le piège que le bombardement d’images a creusé dans notre perception du réel. Les images ne sont pas la réalité, elles ne sont qu’une traduction de la réalité et comme toute traduction, elles deviennent une autre réalité. C’est peut-être là où se trouve la légitimité de l’intervention de l’artiste : il devient en effet le questionneur, celui qui met en garde par la réflexion qu’il provoque sur les choses. Morteyrol utilise à cet effet différents langages, la peinture, la sculpture...et tous ont pour dessein commun l’interprétation plastique d’une réalité.

Son oeuvre s’insère dans le mouvement de la Figuration Narrative et établit un rapport direct avec le Salon de la Jeune Peinture dont il sera du reste membre du Comité (de 1970 à 1975) et Président (de 1974 à 1975). Les belles années sont là, fructueuses, marquant peut-être la fin d’une époque, celle de la contestation, de la réflexion, celle du temps où les débats d’idées faisaient briller les yeux et sublimaient les passions, bref, l’artiste s’engageait - avec plus ou moins de bonheur d’ailleurs - dans la production de sens. A cette époque, Morteyrol côtoie les Fromanger, Ernest Pignon Ernest...et expose avec Cueco, Fleury, Latil, Parre, Tisserand (la Coopérative des Malassis), Messac (groupe des quatre - œuvre collective en 1976 avec Naccache et Birga)...

Au début des années 80, il développe une œuvre sculptée en parallèle à son activité de peintre. « La sculpture est un défi à l’équilibre et à la matière, un défi à l’ordre. La vérité doit surgir de la matière sans contrainte, sans interdit ! Peut-on créer, sculpter en toute quiétude alors que le monde n’est que folie dévastatrice ? La réponse est dans l’œuvre ». Ajoutons à ces propos un cheminement d’artiste en apparence illogique alors que c’est l’essence même du parcours de Morteyrol, c’est à dire absence de théorie, négation de l’ordre et fuite devant tout ce qui peut ressembler à une mode ou à une adhésion quelconque. Avec sa façon très composite d’aborder des thèmes très variés, Morteyrol réussit néanmoins à garder un cap qui n’oscille pas d’un degré depuis les origines : démontage méthodique des mécanismes qui font l’histoire - la petite et la grande -, mise à nu des grands mythes et enfin corrosion du réel jusqu’à en dévoiler l’âme. Est-ce son expérience de chef de Studio Disney France (de 1964 à 1980) qui lui a communiqué cette faculté à découper la vie en séquences à la manière des vignettes d’une bande dessinée ?

Cette exposition à la Villa Tamaris rassemble ainsi une centaine de travaux (peintures, dessins et quelques sculptures au Musée naval de Balaguier) constituée de séries, cycles et d’œuvres plus isolées dans une débauche de signes qui en disent long sur l’hyperactivité d’un artiste décidément hors normes.

Exposition Morteyrol, du 5 avril au 1er juin 2003, vernissage le 4 avril de 18h à 21h - Villa Tamaris La Seyne sur Mer. Ouvert de 14h à 18h30 sauf lundis et jours fériés. Tel : 04.94.06.84.00

Posté le 28 mars 2003