Certes, le titre ne manque pas d’évoquer Rimbaud, mais le lecteur s’aperçoit vite que nous sommes bien loin de la poésie. Cette saison en enfer, c’est celle qu’ont vécue les pompiers varois, parmi lesquels le colonel Pierre Schaller, en particulier au cours du terrible été 2003 qui ajouta les pertes humaines aux destructions de l’environnement. Au total soixante mille hectares ravagés par le feu, cela ne peut pas se faire sans casse douloureuse. Le mérite de ce livre, outre sa valeur de témoignage est de nous faire vivre de l’intérieur la noblesse mais surtout la difficulté d’une profession qui nous est indispensable. On peut alors sourire (mais jaune) quand l’auteur évoque le défilé des spécialistes du dimanche qui se ruent vers le PC de commandement pour dire comment, selon eux, il convient d’attaquer le feu. La grande parade des "yaqu’a-faut qu’on" perturbe l’action des soldats du feu plus qu’elle ne la renforce. Il y a par exemple, celui qui se présente pour critiquer la trajectoire des avions bombardiers d’eau, et en proposer une qui lui paraît plus efficace. Le commandant des opérations sait, lui, que si on écoutait ce conseilleur, les courants résultant à la fois de la configuration du terrain et des turbulences du feu conduiraient illico les avions au crash. Bien sûr, l’auteur comprend parfaitement les réactions de ceux qui, dépités par la destruction de leur habitation, s’en prennent aux pompiers, accusés de ne pas avoir fait tout le nécessaire. Mais il en profite pour remettre chacun face à ses responsabilités : "Le nombre de maisons détruites sur les deux feux de Vidauban est important, trop important bien sûr. Mais il faut le rapporter au nombre de maisons qui auraient pu brûler, et qui ont été sauvées. Or, pourquoi l’ont-elles été ? Il n’y avait pas un camion devant chaque maison pour les protéger, il en aurait fallu trois mille, et nous ne les avons pas. Simplement, ceux qui ont pris la précaution d’appliquer les règles du débroussaillement obligatoire ont gardé leur villa !"
Tous les aspects de la guerre contre le feu sont abordés dans l’ouvrage. Comme, par exemple, les relations parfois difficiles avec la presse toujours en quête d’images spectaculaires pour le journal de treize heures. Autres relations qui nécessitent un peu de diplomatie, celles avec les pouvoirs publics. Ainsi de la visite du président de la République en plein temps fort de la lutte, le 22 août 2003. Celui s’informe, a des mots aimables pour chacun, pose de bonnes questions. Il faut bien montrer qu’on se préoccupe de la catastrophe au plus haut sommet de l’Etat. "Le président nous a écoutés. Nous a-t-il entendus dans la cacophonie de cet été de feu ?" s’interroge l’auteur. Autre interrogation, dans l’urgence celle-là : pour une maison reculée, difficilement accessible, et dont les occupants n’ont pas pris la précaution élémentaire du débroussaillement, doit-on envoyer une équipe tout en sachant que compte tenu du terrain et de l’évolution du feu, les pompiers vont être mis en situation de grave danger ? Trop souvent, le commandement se trouve confronté à des choix difficiles de ce type.
Parce qu’il détaille le mode de fonctionnement de ce précieux service public, parce qu’il en explique la difficulté, et aussi parce qu’il combat pas mal d’idées reçues, cet ouvrage est à considérer comme un excellent manuel d’éducation civique.
(Editions Flammarion, 18€)