DJ Zebra : il déchire !

Pour les curieux qui avaient participé au Forum des Musiques Actuelles 2004 organisé par l’association Tandem, un son avait dû résonner étrangement dans vos oreilles. Un son difficilement identifiable venait chatouiller votre sens de la piste entre Oistar et No One Is Innocent. Ben ce son, c’était DJ Zebra qui le concoctait... et le concocte toujours pour notre plus grand bonheur musical (et plus si affinités).

Yaquoi : Petite présentation : qui êtes-vous ? votre parcours artistique ?

Zebra : Oula, ça va être long, je vais essayer de résumer. Je suis musicien depuis l’âge de 9 ans (solfège, guitare...), en Picardie. J’ai commencé à monter des groupes et à faire de la radio à Cambrai vers 1990-91. Ensuite, j’ai bougé à Rennes, où j’ai rejoint Billy Ze Kick et les Gamins en Folie en 1993. C’est à cette époque que j’ai pris le pseudo de ZEBRA. Je jouais de la basse, et je chantais avec eux, puis avec Demain les Poulpes et les Raggamins jusqu’en 1998. J’étais déjà DJ, depuis 1992, et je le suis devenu complètement en 1997, quand j’ai été programmé pour la première fois aux Transmusicales de Rennes. J’ai déménagé à Paris en 1999, et j’ai commencé à mixer au PULP. Je suis devenu résident des soirées rock "Dans mon garage" dans ce club en 2002, à l’époque ou j’ai commencé à faire des bootlegs. Je suis rentré à OUI FM en Avril 2003, et à France Inter en janvier 2005. J’ai sorti une compil de rock mixée "Dance to the underground" chez Labels en 2004... Voilà en gros...

Y : Qu’est-ce qu’un bootleg ?

Z : C’est une production pirate, qui circule illégalement. Le mot a été lancé aux USA dans les années 30 à Chicago, pour désigner les bouteilles d’alcool qui circulaient dans les bottes des contrebandiers. Ensuite, c’était les enregistrements illégaux de concerts, qu’on trouvait en CD dans certains magasins. Dans le domaine créatif, ce mot concerne maintenant des mixs non officiels de DJs, qui recyclent ou mélangent des tubes pop. Souvent, c’est une combinaison entre la voix d’une chanson avec l’instrumental d’une autre, pour en faire une nouvelle composition surprenante. On a appelé le mouvement de ces bootleggers la "bastard pop".

Y : Comment en êtes-vous arrivé à faire des bootlegs ?

Z : A l’origine, c’est l’habitude de composer avec un sampler. On a fait des albums entiers en travailant de cette façon, avec Billy ze kick ou les Raggamins. La découverte de l’album des 2 Many DJs en 2002 a vraiment déclenché l’envie de ne faire que ça, car ça me permettait d’avoir des versions personnelles et très dansantes de tubes rock pour mes DJ sets. Ensuite, mon style s’est élargi, car mes idées de bootlegs concernaient tous les styles musicaux. C’est ça que je trouve génial dans ce mouvement : ça échappe à toute classification, étiquette. C’est autant généraliste que spécialisé, aussi grand public qu’underground. C’est un jeu de piste, et c’est très stimulant. Pour moi, c’est l’exercice musical le plus novateur actuellement.

Y : Le débat sur le téléchargement et les droits d’auteurs a été vif avant la trêve des confiseurs, et risque de reprendre à la rentrée. Pas trop de problèmes pour vous ?

Z : Les bootleggers sont hors de ce débat, car nous sommes des créateurs. Nous ne sommes pas de vulgaires pirates qui faisons du commerce avec la musique des autres. La plupart des bootlegs sont disponibles gratuitement sur des blogs, et les artistes détournés sont souvent surpris et flattés qu’on s’intéresse à leurs chansons. Personnellement, je pense qu’internet est très bénéfique pour la culture musicale des gens, et pour donner envie de créer à des jeunes musiciens. C’est aussi très utile pour la promotion de certains artistes, et les bootlegs font partie de ce système. C’est pour ça qu’on est rarement inquiétés, et jamais poursuivis.

Y : Engagé ? Le mix comme moyen d’expression politique ?

Z : De politique culturelle, oui. Les bootleggers ont une longueur d’avance sur l’industrie musicale, car on donne des idées à ceux qui n’en ont pas. On démontre par le mix que certains mélanges ou arrangements sont parfois meilleurs que les versions originales. On démontre aussi qu’on peut oser sortir des clichés sur les cibles des styles musicaux. Qui a dit qu’on ne pouvait pas aimer le rock et le rap ? La techno et la chanson française ? Les bootlegs sont engagés, en effet, car ils sont souvent choquants. Et donc on met en avant les idées plutôt que les produits. C’est absolument indispensable pour la bonne santé de la musique en tant qu’art.

Y : Vous bootléguez sur Ouï FM, vous intervenez sur France Inter, vous êtes une star même outre-Atlantique. Quelles sont les conséquences de telle médiatisation ?

Z : C’est très stimulant ! Mais même si j’ai un nom qui circule bien, et que j’ai beaucoup de dates, j’ai encore tout à prouver, car j’échappe à l’image classique du DJ. Certains me voient comme un DJ de rock, d’autres comme un producteur qui joue au DJ... J’ai souvent changé de style ces 10 dernières années, et cette liberté me plaît. Le fait d’être médiatisé me donne envie d’aller encore plus loin, de surprendre encore plus mes auditeurs. Je suis fan de Prince, Fishbone, Arno, de gens qui ont une identité personnelle et pour qui la musique reflète leur vie. J’espère pouvoir autant emmener les gens hors des sentiers balisés qu’eux.

Y : Vous tournez beaucoup. Quand est-ce que vous refaîtes un crochet par Toulon ?

Z : Dès qu’on me proposera une bonne soirée ! »

Alors avis aux amateurs...

Posté le 9 janvier 2006