L’article suivant a été écrit pour « LES TEMPS D’ARTS », la toute nouvelle revue éditée par la toute nouvelle FEDERATION REGIONALE DES ARTS PLASTIQUES - F.R.A.P. - qui vous sera présentée prochainement dans ces colonnes.
Fidèle lecteur-trice, artiste ou passionné par l’art, cet article est le point de départ d’un i-forum, pour cela, il vous suffit de vous exprimer en écrivant à l’auteur ou en répondant au forum en fin d’article. Nous répercuterons vos réactions dans la prochaine édition de « Les temps d’art ».
"Art contemporain" , cette expression fleurit actuellement sur les devantures de galeries, de centres d’art, sur les bannières de manifestations artistiques, dans les articles de journaux, dans les conversations des attachés culturels de tout poil : art contemporain par ci, art contemporain par là. Mode ou pas mode ? ça fait dans le vent ou bien ça correspond à une réalité précise ? Hé oui, au fait, ça veut dire quoi, "’art contemporain" ? Il serait grand temps de se poser la question, à l’heure ou s’opère une confusion entre art moderne ou néo-moderne (proposé par la majorité des galeries sous le vocable art contemporain) et art (vraiment) contemporain.
Avant de me plonger dans l’aventure hasardeuse d’en donner une définition, j’ai pris soin de questionner des personnes "compétentes" du monde de l’art, de lire bon nombre d’articles, essais, débats, et voilà, et je m’y attendais, la conclusion est là : chacun a sa propre définition ! avec un écart considérable entre une définition officielle dictée par les théoriciens de bureau et la définition pragmatique de ceux qui créent l’art d’aujourd’hui. Malentendu ou profond fossé ?
Évidemment, si l’on s’en tient au terme stricto sensu, contemporain veut dire "qui est du temps présent" (in Larousse de Poche), donc l’homme de la grotte Chauvin ou Léonard faisaient de l’art contemporain, à leur époque. Il en serait de même aujourd’hui : tout artiste digne de ce nom, peintre, fresquiste, photographe, graveur, sculpteur, vidéaste, installateur etc. fait de l’art contemporain, à condition bien évidemment qu’il soit le témoin de son époque, ou même anticipe le futur, ce qui le porte toujours à innover, être à l’écoute de son temps, en recherche. Voilà pour la définition ouverte, non sectaire, qui inclut toute oeuvre créée depuis, disons, les vingt ou trente dernières années (selon la rapidité avec laquelle les sociétés évoluent, subjectif).
Mais voilà, il se trouve qu’en France, bien plus qu’ailleurs, dans les milieux institutionnels (musées et centres d’art, écoles d’art, drac, etc.) et journalistiques (Art Press), un consensus s’est dessiné autour d’une définition beaucoup plus restrictive qui dénigre les modèles esthétiques classiques de la vulgate kantienne pour adopter des modèles dictés par l’utilisation des nouvelles technologies ou de nouveaux supports au service d’une nouvelle et grande idée avec un grand I. D’où "art contemporain" = installations (assemblages de médiums les plus inattendus tels que photographie + textes + mise en scène, performance + plantation de choux + repas dans la ville, son +nature+nain de jardin, mur vide +cadre vide).
On ne peut pas dire que, avec cette acception, l’art contemporain soit figuratif ou abstrait, il est simple mise en scène d’une idée, simple avatar de Duchamp sans lequel l’art n’existe plus. Il délaisse souvent le savoir-faire devenu suspect (l’intervention physique de l’artiste n’est plus indispensable), il n’a plus pour finalité l’esthétique, devenue également suspecte ("esthétique" se dit avec mépris "esthétisant"), le concept de beau universel s’essouffle, la notion d’icône est mise au placard, avec elle, la notion de pérennité, supplantée par l’éphémère ; seuls résistent les concepts d’émotion dans l’instant, ici et maintenant, de sens et d’engagement, d’efficacité, de provocation et d’innovation à tout prix, de mode d’emploi ou de discours d’accompagnement (souvent intellectuel et rebutant). Il n’exclut pas l’idée d’élitisme, et pourtant - et paradoxalement- se voulant interactif, il fait souvent appel à l’intervention physique ou intellectuelle du "regardeur", - s’il ne comprend rien, c’est la faute à l’école qui n’a pas su initier et enseigner les codes...facile, non ?
Donc, et toujours suivant cette acception, l’art contemporain a fâcheuse tendance à être incompris, à être très gourmand en moyens technologiques, en argent, en espace, il ne peut entrer dans votre salon que sous forme de catalogue ou de vidéo, il ne peut être montré que dans les lieux institutionnels ou de mécénat qui se l’approprient totalement. Au détriment d’artistes non sans valeur mais non dans la lignée, non co-optés. L’art contemporain n’est alors qu’un simple mouvement, certes très représentatif d’une génération mais, parce que très exclusif, il frise actuellement l’académisme d’état. Certaines installations sont d’une très grande force (Horn, Parmaggiani, G. Friedman ou Neshat, pour n’en citer que quatre), mais, parce qu’in situ, elles sont fugitives et durent le temps de la mémoire des choses, et il est à parier que bon nombre d’ado-artistes immatures venus bien trop vite sur les devants de la scène tomberont aussi vite dans l’oubli, et que les autres médiums reprendront bientôt la place qu’ils méritent. D’ailleurs, même Catherine Millet, même le Centre Georges Pompidou sont en train de faire leur examen de conscience, c’est dire...
Conclusion ? il n’y en a pas, le malentendu persistera jusqu’à ce que les milieux institutionnels parisiens cèdent leur pouvoir jacobin exorbitant de sélection, parfois dévoyé, qui leur a été confié par un certain ministre de la Culture adulé par certains, détesté par d’autres, suivi par une clique de drac, frac, cnac, crac, mac ou cac. Jusqu’à ce que les galeries, les instances régionales, départementales ou municipales fassent remonter à la surface les vrais talents cachés qui oeuvrent sur leur territoire (et non, comme trop souvent, les talents du dimanche). Jusqu’à ce que les artistes reprennent leur autonomie, leur liberté et leur destin entre les mains, sans attendre que la manne leur tombe d’en haut. Jusqu’à ce que les artistes reviennent à des valeurs qui, de tout temps, ont fait leur preuve, dimension plastique au service du Sens.
Et jusqu’à ce qu’on trouve un autre adjectif. Avez-vous une idée ?