ARBRES
L’intime échange
06 juillet – 01 décembre 2019
Centre d’Art Contemporain
Châteauvert (83670)
S’il te plaît, dessine-moi...
Par Liliane Rose
Petit point vert sur la carte des lieux où l’on peut voir de l ’art contemporain, le CACC affirme son identité dans la relation art et nature. Aujourd’hui encore, deux commissaires nous proposent de découvrir les liens qu’une quinzaine d’artistes, pour la plupart régionaux, entretiennent avec l’arbre, un arbre médiateur de notre rapport au monde. Une exposition qui, sous ses airs modestes, révèle une certaine complexité, requiert notre attention, et peut-être, à l’instar de ces artistes, nous invite à considérer le temps de la perception comme un temps de réflexion.
Bien sûr, certains, certaines, auront en tête leur propre musée imaginaire sur la question ; on peut toujours convoquer Paul Cézanne, Piet Mondrian, Marcus Raetz, Erik Samakh et autre Giuseppe Penone, et aussi Andy Goldworsthy qui « murmure à l’oreille des arbres » ; et même le Baron Perché ou Booz endormi...
Nous aurons, ici aussi, nos moments forts avec Alexandre HOLLAN, Gérard THUPINIER, Henri OLIVIER, sans oublier la présence occulte de Joseph BEUYS. Le parcours et un accrochage subtils de chaque œuvre nous amènent à pressentir avec les artistes que le monde autre qu’humain, le monde de la nature est habité par l’inconnu et que certains arbres sont des portes (Alexandre HOLLAN). Les portes les conduisent vers la perception d’espaces autres, des hétérotopies, comme dit Michel Foucault :
- Yves CONTE s’y immerge, dans un chaos de branches, feuilles, lumières, ombres sens dessus dessous, pour s’interroger sur sa propre sauvagerie, et Henri OLIVIER nous plonge dans une confusion spatiale (il mêle l’image vidéo du mouvement des branches d’un olivier à la matérialité d’une flaque noire, horizontale, brillante, immobile et définitive, impossible représentation de son ombre).
- Des espaces perturbés aussi, avec les châssis dressés de Albane HUPIN, tendus de toiles imprégnées de teintures végétales, plissées, défroissées, trompe-l’œil de troncs, faux territoires forestiers (plutôt des « confrontations » de l’espace de l’atelier à celui de l’exposition), ou encore avec les fragiles structures, éphémères et évolutives, de Charlotte DUGAUQUIER qui tisse inlassablement des ombellifères peintes en blanc (travail in-situ axé sur la révélation d’un espace mouvant, lieu de toutes les métamorphoses, jeu avec le visible et l’invisible, entre l’intime et l’ouverture sur le monde).
On trouvera la plus belle histoire d’amour avec les arbres dans la pratique d’Alexandre HOLLAN. Il entre véritablement en osmose avec eux : « je suis ce que je vois », (une intéressante vidéo le montre dessinant « sur le motif », ou plutôt DANS le motif : il respire, bouge avec la masse en vibration du feuillage, gardant constamment le contact par le déplacement d’un trait continu, dans un balancement calqué sur le rythme du souffle invisible de l’arbre). Sur la toile, un moment d’intensité et de silence.
Progressivement, nous prenons conscience que, pour ces artistes, les arbres font émerger l’existence d’un monde en constante évolution, lieu de naissance et de mort. Pour nous le faire savoir, certains artistes racontent des histoires cachées de blessures et de cicatrices (révélées par le regard acéré d’Angelina JULNER), de légendes médiévales (danses macabres d’Emmanuel BILLON), de paréidolies (baobabs de Yoyo SORLIN) ou d’histoire d’une civilisation, d’hommes opprimés et d’arbres sacrés (Élodie BARTHELEMY). D’autres peignent le chaos d’un monde en gestation, l’usure, le vestige, le temps, la mémoire. Gérard THUPINIER nous donne à lire un palimpseste de matières picturales denses où des feuilles de figuiers sont engluées, figées dans la temporalité, arrachées, dévorées – dans le silence- .
Entre quiétude et inquiétude, il ressort de cette exposition une impression de mélancolie. Certes, les artistes nous font partager leur plaisir de l’observation de la nature et d’une approche contemplative, mais on ne peut se retenir de voir en eux des lanceurs d’alertes, explicites dans les œuvres d’Angelina JULNER, Michel LOYE (l’écrit des cernes), Sylviane BYKOWSKI, Joseph BEUYS bien sûr, qui nous questionnent sur notre empreinte dans la nature - inquiétude -.
Mais aussi quiétude, dans de vrais moments de poésie, d’échanges silencieux qui nous conduiront peut-être à porter un regard plus attentif à ce grand végétal ligneux dont la tige ne porte des branches qu’à partir d’une certaine hauteur au dessus du sol. (Robert).
Pourquoi tout ranger
L’arbre entre l’herbe et l’étoile
Harmonieux vertige *
*Hubert HADDAD : « Le peintre d’éventail »
Photographies, par ordre de parution
- Vue générale de l’exposition
- Carlotte Dugauquier : Cristal Kikou, installation, ombellifères
- Emmanuel Billon : danse macabre, huile sur toile
- Michel Loye : le manguier de Maputa, pbotographie
- Alexandre Hollan : le grand chêne de Rieusec, acrylique sur toile
- Christian Nironi ; sans titre, lavis
- Yoyo Sorlin : le baobab amoureux, l’air, l’eau, la terre, résine et céramique
- Albane Hupin : silva, peinture et encres sur toiles, écorce de chêne, noix de galle
- Yves Conte : couché dessous, acrylique et pigments sur toile
- Henri Olivier : l’ombre de l’olivier, vidéo, dibond sur plexi noir
- Angelica Juler : série arbres, photos numériques
- Michel Loye, : l’écrit des cernes, impression numérique sur toile
- Gerard Thupinier : sans titre, technique mixte sur toile (au fond de l’image)
Exposition « Arbres »
avec
Barthélémy, Beuys, Billon, Bykowski, Conte, Dugauquier, Hollan, Hupin, Julner, B. Lacordaire, Loye, Nironi, Olivier, Sorlin, Thupinier
https://www.caprovenceverte.fr/culture/centre-art-chateauvert/evenements-expositions/
entrée : 3 €
catalogue
crédit photographique et mise en page :MF Lequoy-Poiré
courtesy Centre d’Art Contemporain Châteauvert