Germain PLOUVIER

Entrée libre

Noctambule.

Il semblerait que Germain Plouvier partage avec les chats un goût excessif pour la nuit et l’étrangeté de son atmosphère. Après une activité de photographe illustrateur indépendant de plus de vingt ans, il se consacre aujourd’hui corps et âme à la construction d’une œuvre. Loin des studios, des parapluies, des flashes qui dégorgent de lux, l’artiste pratique en solitaire la photographie à l’heure tardive où les chats sont finalement bien noirs.

Ses premiers émois pour le medium datent de l’adolescence. Son père commet l’irréparable en lui offrant un agrandisseur coincé sous une pile de livres. La magie des images qui naissent dans le révélateur fera le reste. Avec le réflex paternel, il shoote à tout va, sans sommation, flirtant même avec les frontières de l’improbable comme tenter d’immortaliser l’océan qui se fracasse sur les blockhaus de l’Atlantique, lointains souvenirs d’une mortelle inimitié. Non sans mal, il impose sa détermination et suit une formation de photographe à Paris qu’il complète par un appétit vorace pour la technique. De cette époque, des premiers travaux exécutés la nuit témoignent de ce qui deviendra le socle d’une œuvre. Il devient assistant d’un photographe qui, à défaut de lui donner la becquée, le prend sous son aile. Les siennes finissent par se déployer au moment de rendre service à la nation, un an de treillis qui le conduira vers deux certitudes : il n’a aucune appétence pour le transport routier et oui, l’image est bien sa muse. Début de la vie professionnelle dans l’Yonne, près d’Auxerre, emprunts, équipement, commandes dans l’industrie, la publicité, l’illustration…puis la vie la vraie, la famille, les enfants et le temps qui se déroule aussi vite la nuit que le jour.

Malgré tout, le job évolue peu à peu vers l’artistique, presque insidieusement ou peut-être inconsciemment. « Plus le temps passait, plus j’orientais mes prestations vers des sujets que j’appréciais. J’ai commencé à faire des photos dans des cathédrales, des reportages sur des vitraux, de la photographie d’architecture et toujours avec une démarche de qualité. C’est ainsi que j’ai suivi la transition numérique dès le début. Je trouvais que le numérique permettait de travailler de façon plus précise avec des aléas chimiques qui n’existaient plus, plus de problèmes de températures etc ». S’ajoutent les photos de spectacles dont la mythique Olympia, viennent également des photographies de reproduction de tableaux - exercice particulièrement complexe -, les premières expositions…comme si l’artisan passait peu à peu le relais à l’artiste. Il décroche un enthousiasmant projet d’exposition basé sur des photographies de nuit de Paris qui rencontre le succès et déclenche des achats publics. S’enchaînent les événements, Nuit de la photographie contemporaine (Paris), bibliothèque du Carré d’art (Nîmes) ainsi que quelques belles rencontres avec les galeries privées.

L’approche de Germain Plouvier est à comparer avec celle utilisée lors des missions photographiques du début du siècle, l’autre. Les prises sont effectuées en poses longues et selon des cadrages rigoureux. Cette réalité documentaire est ensuite détournée par l’exaltation des lumières ambiantes. Plus que des influences, l’artiste examine l’œuvre de Brassaï pour la magie des noirs et ses savants contrastes et celle de Cedric Delsaux, artiste contemporain qui réintègre des personnages de science-fiction dans des ambiances d’architecture. Il apprécie aussi le travail du photographe Thomas Jorion qui parcourt le monde à la recherche d’îlots intemporels, celui de l’excellent Dingo (photographe œuvrant pour la publicité) célèbre pour ses mises en scène déjantées et sa gestion savante de la lumière, également l’imaginaire de Bernard Pras ou encore, plus classique mais tout aussi intéressant, l’œuvre du graveur et architecte italien Piranèse du 18e siècle connu pour ses grands ensembles soutenus par une belle force de la lumière et des noirs uniques. Les univers de la bande dessinée et du cinéma transpirent également de ces images singulières tirées sur un papier traditionnel très proche du « baryté », les photographes en latin apprécieront. Germain Plouvier ouvre une porte vers un ailleurs que chacun s’édifiera en fonction de son imagination, de sa capacité à en repousser les limites...ou de son sang-froid face au noir de la nuit.

Jean-Christophe Vila.
El Puerto de Santa Maria, 12 janvier 2014.

Posté le 15 avril 2014