"DANS MA TÊTE", DE NADINE AGOSTINI, POÈTE TOULONNAISE, AUX EDITIONS DERNIER TÉLÉGRAMME

Par Jean-Paul Gavard-Perret*

Nous n’habitons que le refleurissement de nos cendres. C’est pourquoi Nadine Agostini tente l’impossible : un entretien aussi infini qu’en morceaux avec une destinatrice définie ainsi : « tu ne peux savoir comment je pense tant que tu n’as pas dans la tête ce qu’il y a dans la mienne ». Le rêve semble fou, démesuré. Il n’empêche que les cendres "refleurissent" à la rencontre de ce tu (angoisse comprise) qui se définit non par ce qu’il est mais par ce qu’il n’est pas : « tu n’as pas été anorexique, tu n’as pas eu peur d’être boulimique ». Très vite pourtant le rêve se transforme en cauchemar : ce « tu » n’est pas un autre mais rien que l’autre je. L’humour - pris d’abord pour léger - devient d’une gravité rare : celle d’une crise permanente et d’un doute transmué en apparente plaisanterie d’usage.

L’écrivain(e) qui feint de ne pas tomber amoureuse de Kevin Spacey chaque fois qu’elle voit un de ses films, s’engage en un mouvement de descente. Elle n’est interdit de penser que lors de ses obsèques elle ne voudra que le strict minimum c’est à dire elle-même. En attentant, elle propose les plus subtiles et convaincantes anti mémoires. Se mêlent fin et faim dans un jeu de miroirs fait pour brouiller moins les jours que leurs instants. Par antiphrases, Nadine Agostini permet aussi (surtout ?) de donner corps à sa phrase chérie "Il est temps de vivre la vie que tu t’es imaginée."(Henry James). Peut alors faire écho une phrase de l’auteur qu’elle n’aime pas du tout mais qu’elle a trouvé dans son sac : "Aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie." A bon entendeur, Salut !

Jean-Paul Gavard-Perret

* Jean-Paul Gavard-Perret est poète, critique et maître en communication

Nadine Agostini, "Dans ma tête", Editions Dernier Télégramme, 48 pages, 2015, en librairie au prix de 9 €

crédit photographique : Lilas

Posté le 17 avril 2015